Turbulences et oscillations du vent.

"Du toucher de barre aux choix tactiques, sachez toujours clairement identifier dans quel régime de vent vous allez naviguer".


Philippe GOUARD
Directeur Technique National

Introduction :


En altitude, les masses d'air en déplacement ne rencontrent que peu d'obstacles, et les variations de direction du vent sont fortement liées aux variations de sa vitesse, principalement sous l'effet de la force de Coriolis. Plus la vitesse du vent augmente, plus il est dévié vers la droite. Plus on se rapproche du sol, plus le vent est freiné par les obstacles qu'il rencontre, ou les surfaces qu'il franchit.
Le vent qui suit un parcours maritime aura une orientation proche de celle du vent synoptique à un angle près. Il sera néanmoins plus à gauche que le vent d'altitude, car freiné par sa proximité avec la surface de l'eau. On gardera, sur un plan d'eau alimenté par ce type de vent, une bonne corrélation entre la vitesse et la direction du vent.
Proportionnellement aux variations de la rugosité des reliefs et surfaces franchies par le vent dans les basses couches, la corrélation vitesse/direction du vent diminue.
Dans le cas d'un vent qui suit un parcours terrestre, les effets de site prennent le pas sur la force de Coriolis. ils provoquent des modifications plus ou moins persistantes de la direction du vent, aux différents points du plan d'eau.
Le parcours initial du vent a également une incidence non négligeable sur le caractère plus ou moins turbulent du vent instantané, déterminant l'épaisseur de ce que l'on appellera alors la "bande de vent".
Suivant l'échelle de temps considérée, le vent peut toujours être décrit comme oscillant. Mais de part et d'autre du vent mesuré à un instant T, le vent oscille dans des proportions plus ou moins grandes mais sur des durées très faibles. Ces turbulences ne peuvent être mesurées sans un appareillage électronique particulier. Par contre elles auront des conséquences importantes sur le rendement du bateau, et notamment sur le "toucher de barre" du barreur et sa qualité de suivi de vent.
Il y donc bien une distinction à faire entre la turbulence et l'oscillation. Prendre en compte la turbulence imposera une adaptation technique qui renvoie à la fois aux choix de réglages, et au toucher de barre. Dans l'oscillation, l'adaptation tactique est possible car l'amplitude et la durée des bascules permettent de les mesurer et de les exploiter par des choix tactiques appropriés car elles sont décelables au compas magnétique ou électronique.

 

"…Dans ''Nouvelles techniques pour gagner'', j'ai décrit les différents types de vent et la structure fine du vent. A l'échelle horaire, comme à celle de la minute ou de la seconde (turbulence), on peut constater que l'azimut du vent réel fluctue en continu. Indépendamment de la durée de la mesure, on observe les mêmes phénomènes d'oscillations de l'azimut du vent, ce qui veut dire que toute variation de 5° de l'azimut d'un côté sera forcément suivie d'un retour de l'autre côté…
Dans le cadre des jeux olympiques, de la Coupe de l'America, ou des régates côtières, nous naviguons toujours dans un vent dit turbulent. Ce vent n'est jamais mesuré par nos instruments électroniques de bord, encore moins avec la girouette à main et le compas de relèvement de l'entraîneur.
Ce que l'on mesure uniquement, c'est l'azimut moyen ou géographique du vent, c'est à dire le cap du vent, afin d'élaborer une approche stratégique de la navigation. Pour mesurer le vent turbulent, son instabilité, il faut recueillir "l'enveloppe" du signal de base et, après traitement informatique, extraire ce que l'on appelle ''la bande de vent''. Qui dit ''bande de vent'', dit deux caps de vent extrême pour un même vent moyen, un cap mini et un cap maxi du vent turbulent.
En réalité, au même instant, il existe pour le régatier deux azimuts de vent qui sont d'autant plus différents que l'air sera très turbulent. L'établissement d'une brise de mer répond précisément à ce cas. Il y a donc deux lay-lines associées à ces deux vents : ce sont les lay-lines de turbulences.



 

L'importance du toucher de barre…
Un veering en babord amure devient un refus, un backing une adonnante. Ce qui veut dire que durant une mesure comprenant une succession de veerings et de backings, on cherchera une optimisation permanente, un réajustement pour maintenir le meilleur compromis cap/vitesse.
C'est en particulier sur ce travail de suivi de vent que les coureurs de haut niveau se différencient des espoirs. Dans une adonnante on n'assiste généralement à aucun problème d'ajustement, bien que le lof ne soit pas aussi franc dans tous les cas…
…La tendance naturelle conduit à moins accepter l'idée du refus que de l'adonnante ; le résultat observé, c'est dans la refusante une succession de petites pertes de portance des voiles traduites sur les courbes en chutes de vitesse et finalement de VMG.
Il faut garder à l'esprit qu'une évolution du vent en direction n'est que le résultat d'une succession de veerings et de backings, d'amplitudes et de durées variées, mais en nombre égal : un coup à gauche, un coup à droite du vent moyen. Le toucher de barre du coureur est précisément cette aptitude à négocier cette alternance de refus-adonnantes sans que son suivi de vent n'en soit altéré."